Le stockage des oeufs

température et humidité idéale pour les oeufs fécondés

Bien des choses ont été dites sur un retour aux conditions naturelles d’incubation depuis que le chargement unique a trouvé un nouvel élan. Malheureusement, on connaît encore assez mal tous les mécanismes qui régissent la survie des embryons lorsque les œufs fécondés sont stockés. Or, le stockage, lorsqu’il dépasse les 7-8 jours, a un effet certain sur les taux d’éclosion, la qualité des poussins et même leur croissance ultérieure.

1-DE L’OVULATION À L’OVIPOSITION

L’œuf est fertilisé dans l’infundibulum, peu de temps après l’ovulation. Les premiers clivages du zygote débutent environ 5 heures après la fécondation, au moment où il atteint l’utérus. Ils continuent pendant encore environ 11 heures. Les clivages répondent à un modèle extrêmement variable chez l’embryon mais ils débutent toujours par la formation d’un sillon dans la zone centrale du germe. Les 5 ou 6 premières divisions cellulaires suivent verticalement ce sillon. La partie inférieure de celui-ci s’étend par la suite latéralement séparant ainsi les cellules centrales du germe du jaune. C’est le tout début de la formation de la cavité subgerminale. Le rythme des divisions mitotiques est extrêmement élevé durant cette période : elles alternent des phases verticales et horizontales. Après environ 11 heures de clivage, le disque cytoplasmique au sommet du jaune se transforme en un disque opaque d’environ 5 ou 6 cellules de profondeur (Khaner O., 1993). C’est le stade VI de la classification d’Eyal-Giladi H. et Kochav S. (1976) :

La formation de l’aire pellucide (area pellucida) débute au stade VII, environ 12-14 heures après que l’œuf ait pénétré l’utérus. Elle se traduit par la migration progressive d’un certain nombre de cellules faisant face à la cavité subgerminale, vers le fond de celle-ci. À partir de ce moment, le diamètre du germe augmente régulièrement.

Le processus continue encore pendant 8 ou 9 heures pour atteindre, au stade X du développement embryonnaire, une aire pellucide d’une seule cellule d’épaisseur et une aire opaque (area opaca) clairement définie (Khaner O., 1993). Pendant ce stade, on observe également sur la partie inférieure du blastoderme, la formation de groupes de cellules et une zone, tout à l’arrière, non impliquée dans cette transformation. C’est le tout début de la formation de l’hypoblaste.

C’est généralement au stade X du développement embryonnaire que l’œuf est pondu : l’embryon contient de 40 000 à 60 000 cellules, son diamètre varie de 3 à 4 mm, et l’axe antéropostérieur y est clairement défini. Mais des facteurs de variation existent : Meijerhof R. (1992) fait mention d’un certain nombre de travaux montrant que l’âge du troupeau joue un rôle essentiel sur le stade de développement embryonnaire au moment de l’oviposition. Ainsi, plus le troupeau est âgé, plus le stade de développement est avancé. Le poids des poules semble également jouer un rôle prépondérant : les troupeaux de poids élevé en période d’élevage ont tendance à pondre des œufs à un stade plus précoce que ceux élevés à des poids plus faibles. La position de l’œuf dans la série paraît aussi influencer le stade de développement : leur temps de transit étant souvent plus long, les premiers et derniers œufs de la série ont tendance à être pondus à un stade plus avancé que ceux du milieu de la série. Le type de nid joue également un rôle important : étant donné qu’ils mettent plus de temps à se refroidir (de par le matériau employé ou parce que la poule a tendance à les couver), les œufs pondus dans des nids manuels sont souvent à un stade plus avancé de développement que ceux pondus dans des nids automatiques ou dans des cages. Or, le stade de développement embryonnaire au moment de l’oviposition apparaît comme étant un facteur essentiel dans la survie de l’embryon au cours de l’incubation :

Plus encore, il semble jouer un rôle primordial dans la capacité de l’embryon à résister à des périodes de stockage prolongées : de nombreuses études indiquent que le stade X du développement embryonnaire résiste moins bien que les stades XII (Reijrink I., 2009) ou XIII (Fasenko G.M. et al, 2003a). Il s’agit là de stades où l’hypoblaste et l’épiblaste sont encore en cours de formation (stade XII), ou complètement formés (stade XIII). Ces stades de développement ne peuvent être obtenus que par incubation.

2-PRÉ-INCUBATION (PRESI)

En conditions naturelles, la poule n’a pas tendance à garder les œufs à une température constante. Au contraire, à chaque fois qu’elle pond un nouvel œuf, elle le réchauffe, lui, et celui ou ceux pondus les jours précédents. Il est possible que cette couvaison, aussi courte et intermittente soit-elle, vise à amener les embryons à un stade plus avancé de développement et à favoriser ainsi la régénération des cellules mortes pendant le stockage. La pré-incubation (PRESI – pre-storage incubation -) tente de reproduire ce mécanisme.

Elle consiste en la mise en incubation des œufs, dès leur arrivée au couvoir et avant leur passage en salle de stockage, à une température de 37,7-37,8°C et pendant une période de 6 heures. Les essais que nous avons menés dans nos propres couvoirs ont toujours donné des résultats positifs (+4,1% en moyenne pour des œufs stockés entre 4 et 13 jours) mais d’autres chercheurs ont obtenu des résultats plus nuancés. Le stade de développement à l’oviposition, la température de pré-incubation, sa durée, semblent en effet être des facteurs qui peuvent grandement affecter le succès de la méthode. Fasenko G.M. et al (2003b) ont même trouvé qu’une pré-incubation réalisée quelques jours après la ponte et non pas juste après celle-ci, pouvait avoir des effets négatifs sur les taux d’éclosion. La technique doit donc être employée avec précaution. La méthodologie est encore mal définie et ses effets peuvent s’avérer négatifs. De plus, elle est difficile à mettre en œuvre car elle suppose qu’un incubateur soit disponible en permanence.

3-CONSÉQUENCES PHYSICO-CHIMIQUES DU STOCKAGE

Le « zéro physiologique », température à laquelle le développement embryonnaire cesse, reste encore mal connu. Decuypere E. et Michels H. (1992) font état des connaissances à ce sujet : alors que certains chercheurs l’évaluent à 20-21°C, d’autres l’établissent entre 25 et 27°C, voire même entre 28 et 29°C. Ces écarts peuvent être liés à des besoins différents, fonction des tissus concernés. Ceci est indirectement démontré par Wilson H.R. (1991) qui observe un développement disproportionné lorsque l’embryon est maintenu à une température variant entre 27 et 35°C.

Pertes en eau pendant le stockage

La cuticule organique recouvrant la coquille forme, au niveau des pores, des plaques parcourues de fissures qui s’élargissent au cours du vieillissement de l’œuf et permettent les échanges gazeux entre celui-ci et l’air ambiant. La perte d’eau se fait par évaporation en fonction de cinq paramètres qui sont : la durée de conservation, la température et l’humidité de l’air ambiant, la surface et la porosité de la coquille (Sauveur B., 1988). Au départ, l’évaporation se fait à partir des membranes coquillères. Elle est par la suite remplacée par une évaporation active à partir de l’albumen. Alors qu’il a été suggéré que ces pertes en eau pouvaient avoir un effet négatif sur la viscosité de l’albumen, aucune relation directe n’à pu, à ce jour, être établie entre évaporation et pH et densité du blanc. Meijerhof R. et al (1994), cité par Reijrink I. et al (2008), ont montré que les pertes en eau pendant le stockage étaient peu influencées par l’hygrométrie ambiante lorsque celle-ci variait entre 55 et 75%. Il est pour autant communément admis que les pertes en eau pendant le stockage doivent être maîtrisées et doivent idéalement se situer entre 0,8 et 0,9% par semaine.

Conséquences sur l’albumen

La densité de l’albumen « épais » résulte de l’état des liaisons électrostatiques de l’ovomucine (et plus particulièrement de sa sous-unité β) et du lysozyme. Les cations divalents de l’albumen (magnésium et calcium) en sont des facteurs de cohésion. Elle est très dépendante du pH et elle se dégrade naturellement au fur et à mesure que l’âge du troupeau ou le poids de l’œuf augmente. Elle semble jouer un rôle essentiel dans les échanges gazeux et le transport des nutriments vers l’embryon.

Au moment de la ponte, le CO2 contenu dans l’albumen s’échappe progressivement. Le rythme de libération du CO2 va surtout dépendre du pouvoir tampon de l’albumen (qui atteint son minimum lorsque le pH varie entre 7,0 et 9,0), mais également de la température ambiante, de la conductance de la coquille, de la durée du stockage et de l’environnement gazeux autour de l’œuf. Les déperditions entraînent une élévation du pH de l’albumen. Il passe d’environ 7,6 au moment de la ponte à 9,0 ou 9,2 quelques jours après.

L’élévation du pH est importante et nécessaire : non seulement parce que le développement embryonnaire précoce est régi par des enzymes pH dépendantes (Decuypere E. et al, 2001), mais également parce que le pH alcalin qui en résulte, protège l’embryon d’éventuelles attaques bactériennes. Il est intéressant de noter que l’essentiel de l’élévation du pH a lieu pendant les 3 ou 4 premiers jours. Ceci peut expliquer le fait que les œufs stockés pendant de courtes périodes ont tendance à mieux éclore que ceux incubés le jour même de leur ponte : la dégradation de l’albumen qui résulte de l’élévation du pH, faciliterait les échanges gazeux et le transport des nutriments vers l’embryon (Lapão C. et al, 1999). Ce qui précède est surtout vrai pour les œufs issus de jeunes troupeaux : la densité de leur albumen est bien supérieure à celle des œufs issus de vieux troupeaux. Ceci est en partie lié au fait que le pH de leur albumen, au moment de la ponte, est légèrement inférieur :

Il est également intéressant de noter que, quel que soit le pH de départ, il tend toujours à se stabiliser au même niveau, aux environs de 9,0-9,2, 4 à 5 jours après la ponte (Lapão C. et al, 1999). Le stockage prolongé n’entraîne donc pas une élévation supplémentaire du pH. La conséquence la plus connue de cette élévation est la « liquéfaction » de l’albumen : la hauteur de l’albumen « épais » mesurée en unités Haugh, diminue en fonction du temps selon une courbe exponentielle.

Conséquences sur le jaune

Au moment de la ponte, le pH du jaune se situe entre 6,0 et 6,3. Il augmente progressivement par la suite pour se stabiliser aux alentours de 6,5-6,8 (Reijrink I. et al, 2008). Au cours du stockage, les altérations physico-chimiques du jaune sont très dépendantes de celles décrites pour l’albumen. L’élévation du pH de l’albumen entraîne :

  • Une fragilisation de la membrane vitelline (d’une composition très proche de celle des chalazes).
  • Un transfert massif d’eau vers le jaune (fort gradient de pression osmotique entre l’albumen et le jaune et présence au niveau de ce dernier de protéines hydrophiles).
  • Un transfert des cations divalents vers le jaune (ce qui accélère d’autant plus le processus de liquéfaction de l’albumen).
  • Une diminution de la viscosité et une modification de l’index de forme du jaune (relation entre sa hauteur et sa largeur, le jaune s’aplatit).

Si ces altérations sont accélérées (notamment par l’ingestion de certaines matières premières, certains anticoccidiens, voire même de certains antiparasitaires), des tâches à la surface du jaune peuvent apparaître : c’est le phénomène de mottling ou de jaunes « marbrés » qui peuvent même exister dès la ponte (Sauveur B., 1988). On constate alors, après stockage de l’œuf :

  • Une teneur en eau du jaune anormalement élevée.
  • Une diffusion rapide du fer du jaune vers l’albumen, donnant à ce dernier une coloration rose.
  • Une pénétration de protéines dans le jaune lui donnant une couleur saumon.

Puisque de densité plus légère, l’albumen entraîne en se liquéfiant le déplacement du jaune vers le haut, là où se trouve, en conditions normales de stockage, la chambre à air. L’exposition à des risques accrus de déshydratation et d’oxydation qui en résulte peut affecter la survie des embryons.

Conséquences sur l’embryon

Au cours du stockage, le pH de l’albumen passe donc rapidement d’environ 7,6 à 9,0 ou 9,2 et cette modification entraîne une augmentation progressive de la perméabilité de la membrane vitelline. Or, c’est cette dernière avec les chalazes qui protègent l’embryon au cours du stockage et pendant les 2 ou 3 premiers jours de l’incubation (jusqu’à la mise en place des annexes embryonnaires). La fragilisation de la membrane vitelline expose donc l’embryon à des pH fortement alcalins et il est suggéré que ceux-ci puissent être responsables de mortalités embryonnaires précoces (Reijrink I. et al, 2008). Gillespie J. et McHanwell S. (1987), cités par Reijrink I. et al (2008), ont mesuré le pH de l’espace extracellulaire au cours des toutes premières heures d’incubation. Ils ont trouvé des valeurs variant de 7,9 à 8,4. Dans des études précédentes, ces mêmes auteurs avaient déjà démontré que la migration du fibroblaste était optimale lorsque le pH était de 8,2. Il apparaît donc que le pH optimal pour le développement embryonnaire au cours des tous premiers jours se situe entre 7,9 et 8,4.

Les travaux de Sauveur B. et al (1967) et Walsh T. (1993), cités par Brake J. et al (1997), vont dans le même sens : pour un développement optimal de l’embryon, le pH de l’albumen doit se situer entre 8,2 et 8,8. Il apparaît ainsi que le fort gradient de pH auquel est soumis l’embryon (environ 3 unités de pH entre le jaune et l’albumen) soit nécessaire à son développement (Brake J. et al, 1997). Ceci ne veut aucunement dire que le pH de l’embryon évolue avec le temps : quel que soit le gradient auquel il est soumis, le pH de l’embryon reste assez stable tout au long du stockage. C’est à ce niveau-ci qu’interviendrait le stade du développement embryonnaire au moment de l’oviposition : alors que des stades précoces, de par leur métabolisme et la production de CO2 qui en découle, seraient incapables de maintenir un pH adéquat, il serait plus aisé de le faire pour des embryons à un stade plus avancé de développement. Mais les éléments ci-dessus n’expliquent pas tout : nombreuses sont en effet les études qui montrent que des pH proches de ceux observés au moment de l’oviposition, et obtenus par exposition à une ambiance enrichie en CO2, ont un effet négatif sur les résultats d’éclosion. Il semblerait en effet que l’emploi du CO2 ne soit bénéfique que si les concentrations employées parviennent à ramener le pH de l’albumen à un niveau proche de celui observé au cours des 3 à 5 premiers jours de stockage. La température a un effet notable sur l’embryon : même si l’œuf est conservé à une température inférieure à celle du « zéro physiologique », et même si aucun changement morphologique majeur n’est observé pendant le stockage, l’incidence de cellules apoptotiques (qui initient leur processus d’autodestruction) ou nécrotiques semble augmenter au fur et à mesure que la durée du stockage et la température augmentent. Arora K. et Kosin I. (1968), cités par Reijrink I. et al (2008), ont observé sur des œufs stockés pendant 21 jours, que les index de mitose et de nécrose étaient plus élevés lorsque les températures de conservation dépassaient les 10°C. Dans le même sens, Bloom S. et al (1998), cités par Reijrink I. et al (2008), ont trouvé que le pourcentage de cellules apoptotiques passait de 3,1% au moment de l’oviposition, à 13,9% après 14 jours de stockage à une température de 12°C.

4- CONDITIONS DE STOCKAGE

La température

Ce qui précède montre bien que la température joue un rôle majeur dans la survie des embryons
au cours du stockage :
> Le refroidissement progressif de l’œuf permet à l’embryon d’atteindre un stade de
développement susceptible de mieux résister aux stockages prolongés.
>Pour des stockages de courte durée, des températures légèrement en-dessous du « zero
physiologique » doivent permettre la liquéfaction de l’albumen et faciliter ainsi le transfert des
nutriments vers l’embryon, sans pour autant grandement affecter l’intégrité de la membrane
vitelline.
>Au fur et à mesure que les durées de stockage deviennent importantes, des températures
suffisamment faibles doivent permettre une réduction substantielle des apoptoses et nécroses
cellulaires.
Ceci nous amène aux recommandations suivantes :

Elles sont confortées par l’état des recherches que Brake J. et al (1997) font à ce sujet : pour des œufs stockés plus de 14 jours, les meilleurs résultats d’éclosion sont obtenus lorsque la température de stockage est d’environ 12°C. Mais une température de 15°C donne de meilleurs résultats lorsque les œufs ne sont stockés que pendant 8 jours et une autre, de 18°C, est encore meilleure lorsque les œufs ne sont conservés que pendant 2 jours.

L’humidité

On a vu que l’humidité au cours du stockage ne semblait pas jouer un rôle crucial dans la survie de l’embryon. Deux exceptions cependant :

>D’une part, Walsh T. et al (1995) ont observé sur des œufs stockés à une température de 23,9°C pendant une période de 14 jours, les pertes en eau les plus importantes et les moins bons résultats d’éclosion. Les travaux de Jin Y. et al (2011) vont dans le même sens : lorsque les œufs sont stockés à une température de 29,0°C, les pertes en eau passent rapidement de 1,74% à 5 jours, à 3,67% après 10 jours de stockage.

>D’autre part, lorsque les températures de conservation sont faibles (au-delà du 7ème jour), il peut être plus difficile d’atteindre des volumes suffisants de vapeur d’eau dans l’air pour éviter une déshydratation excessive (Brake J. et al, 1997).

Dans la pratique, parce que la conductance de leur coquille peut parfois être trop élevée, ou parce que la qualité de leur albumen est insuffisante, seuls les œufs issus de vieux troupeaux montrent une sensibilité accrue à des taux d’humidité faibles (Brake J. et al, 1997). Il est malgré tout admis que les pertes en eau pendant le stockage doivent être maîtrisées. Elles doivent idéalement se situer entre 0,8 et 0,9% par semaine.

Le retournement

Le retournement des œufs pendant le stockage est une pratique très répandue chez les accouveurs.

Deeming D. (2000) suggère que le retournement permettrait à l’embryon d’être exposé à des sources nouvelles de nutriments et que ceci lui conférerait la capacité de mieux résister à des périodes de stockage prolongées. En absence de retournement, l’embryon serait exposé à un environnement unique, peut-être très rapidement dégradé par le métabolisme embryonnaire. Le retournement permettrait donc à l’embryon d’avoir accès à de nouvelles sources d’énergie. D’autres théories existent néanmoins : il est communément admis par exemple, que le retournement prévient une déshydratation et une oxydation excessives de l’embryon (le jaune aurait moins tendance à se coller aux membranes coquillères). Mais les effets du retournement sont plutôt nuancés : Proudfoot F. (1966) a observé que des œufs stockés à un angle de 50°, et retournés tous les jours de 180°, avaient des résultats d’éclosion meilleurs que des œufs non retournés. Les effets de ce retournement étaient d’autant plus importants que la période de stockage était longue (peu ou pas d’effets jusqu’à 14 jours de stock, effets marqués à partir de 21 jours et au-delà). Elibol O. et al (2002) ont trouvé que le retournement pendant le stockage était surtout bénéfique aux œufs issus de vieux troupeaux mais que son impact sur des œufs issus de jeunes troupeaux, quelle que soit la période de stockage (3, 7 ou 14 jours dans l’essai), était négligeable. Les conclusions de Mahmud A. et Pasha T. (2008) vont dans le même sens : le retournement des œufs pendant le stockage (6 à 8 fois par jour) n’apporte aucun effet bénéfique aux œufs issus de troupeaux de 32 semaines et stockés pendant 5 jours. Sauveur B. (1988) va même plus loin lorsqu’il mentionne que le retournement des œufs pendant le stockage n’a jamais été montré comme entraînant une amélioration significative des résultats. Il est donc peu probable que le retournement puisse être largement recommandé. Il apparaît néanmoins que les résultats d’Elibol O. et al (2002) sont logiques et qu’il ne soit donc intéressant de retourner les œufs que lorsqu’ils sont issus de vieux troupeaux.

Stockage avec la pointe vers le haut

Rares sont les études qui se sont penchées sur cet aspect. Sauveur B. (1988) mentionne juste que le stockage la « pointe en haut » serait plutôt favorable pour des conservations longues. Deeming D. (2000) remarque que la conservation des œufs avec la pointe vers le haut permet au jaune d’être toujours en contact avec l’albumen et que ceci maintiendrait l’embryon éloigné des membranes coquillères. Les essais que nous avons menés dans nos propres couvoirs ont toujours donné des résultats positifs et cette technique est donc à considérer lorsque les œufs sont ramassés en alvéoles, carton ou plastique, et stockés pendant plus de 14 jours. Pour ne pas endommager la chambre à air, une attention particulière devra être portée à la manipulation des œufs.

Contrôle de l’atmosphère

Les techniques de maîtrise de l’environnement gazeux des œufs au cours du stockage tentent :

>De remplacer partiellement l’oxygène ambiant par de l’azote pour réduire les risques d’oxydation cellulaire ou,

>D’augmenter les taux de CO2 ambiants et limiter ainsi les déperditions de ce même gaz par l’albumen.

Les effets de l’azote sur la survie de l’embryon au cours du stockage sont plutôt nuancés : alors que Proudfoot F. (1965, 1972), cité par Reijrink I. et al (2008), a trouvé que l’emploi de l’azote pouvait non seulement ramener le taux d’oxygène dans l’air à environ 4%, mais également tendait à stabiliser le pH du jaune et de l’albumen, et pouvait en outre avoir un effet positif sur l’éclosion, Reijrink I. et al (2010a) n’ont trouvé aucun effet positif lorsqu’ils ont soumis des œufs stockés pendant 14 jours et à une température de 16°C, à une ambiance composée de 95,8% d’azote. Les effets du CO2 sont encore plus controversés : Meijerhof R. (1992) mentionne nombre d’auteurs qui non seulement n’ont trouvé aucun effet positif à l’emploi du CO2 mais qui en outre, en ont décelé des effets négatifs. Reijrink I. et al (2008) font les mêmes constats : à chaque fois que les auteurs ont tenté de ramener le pH de l’albumen au même niveau que celui au moment de l’oviposition, aucun effet positif n’a été observé. La mise en sacs plastiques (de type Cryovac) a, par contre, souvent été décrite comme bénéfique. L’altération de l’environnement gazeux de l’œuf (augmentation de l’humidité et du taux de CO2, diminution du taux d’oxygène) qui en résulte serait telle que le pH de l’albumen serait maintenu à un niveau proche de celui normalement observé au cours du 3ème ou 5ème jour de stockage.

5- RECOMMANDATIONS

6- EFFETS DU STOCKAGE SUR LES TEMPS D’INCUBATION

Il est communément admis que le stockage entraîne un allongement de la durée totale d’incubation. Il est essentiellement dû à un retard du démarrage du développement embryonnaire (en moyenne 45 à 50 minutes par jour de stockage) et à une vitesse de croissance plus faible de l’embryon pendant les 48 premières heures (Sauveur B., 1988). Les travaux cités par Fasenko G.M. (2007) font état des mêmes constats : Arora K. et Kosin I. (1966) ont montré que les embryons d’œufs stockés pendant de longues périodes n’initiaient pas leur développement immédiatement après être soumis à des températures d’incubation. Mather C. et Laughlin K. (1977) ont déterminé que le développement embryonnaire d’œufs stockés pendant 14 jours était retardé d’environ 12,2 heures par rapport à celui d’œufs non stockés. Ils ont également établi que le développement pendant la première partie de l’incubation s’opérait à un rythme plus faible. Dans ses propres travaux, Fasenko G.M. (2007) a observé que le développement embryonnaire d’œufs stockés pendant 14 jours débutait environ 6 heures après celui d’œufs non stockés. De plus elle a constaté que la réponse individuelle aux températures d’incubation pouvait être très variable : alors que certains embryons débutaient leur développement dès la mise en incubation, d’autres pouvaient présenter un retard significatif.

Les causes de cette variabilité sont encore mal connues mais il est fortement suggéré que le stade du développement embryonnaire au moment de l’oviposition puisse en être la cause (plus avancé est le stade de développement, plus rapide est la réponse aux températures d’incubation). Le stockage n’affecte pas uniquement la durée de l’incubation : nombreux sont en effet les travaux qui ont démontré qu’il avait également un impact sur la mortalité embryonnaire et la qualité des poussins à l’éclosion. Pourtant, l’effet du stockage en fonction de l’âge du troupeau donneur n’a pas encore été clairement identifié. Alors que Yassin H. et al (2008) et De Lange G. (2009) trouvent que le stockage prolongé affecte davantage les œufs issus de jeunes troupeaux, Meijerhof R. et al (1994), cités par Reijrink I. et al (2010b), Lapão C. et al (1999), Elibol O. et al (2002) et Tona K. et al (2004) montrent que les effets sont d’autant plus négatifs que l’âge du troupeau donneur est avancé. Tous, attribuent cet effet à une moins bonne densité de l’albumen « épais ». Toujours est-il que le stockage prolongé nuit non seulement aux résultats d’éclosion mais également à la qualité des poussins et à leur croissance ultérieure. Il convient donc de tout en mettre en ouvre pour que les conditions en soient parfaitement maîtrisées.